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Entre gens du même monde...

Publié le par Warnless

A la mitan du mois d'août 1908, Edmond Godron-Lussé, célèbre industriel haut-bugiste passé à la postérité suite au succès de son système de roulement à bille, décida de se rendre à Granville en compagnie de sa petite famille.

Profitant de cette occasion et désirant pimenter le voyage d'agrément de ce dernier, le comte de Fargeac, grand ami des Godron-Lussé et ancien grand commis de l'Etat, qui s'était depuis reconverti dans la particule, lui proposa de venir séjourner en sa demeure, sise à Jevouze-en-Brie. Edmond accepta de bon coeur, et ce d'autant plus que celle-ci était située sur son trajet.

Quelle ne fut pas la surprise des Godron-Lussé lorsque, atteignant enfin le château du comte en cette chaude après-midi d'août, ils découvrirent une sorte de mastodonte, que dis-je... un vaisseau... juché sur quatre roues et garé pompeusement devant la bâtisse.

-Les voilà !, annonça jovialement le comte en tendant les bras à l'adresse de la petite famille. "Vous n'avez pas trop souffert du voyage, j'espère?", s'enquit-il.
-Oh non ! Ce fut très agréable, répondit Edmond tout en tenant la main de sa mère afin de l'aider à descendre de son automobile, un Type X des Frères Renault acquis l'an dernier.

-Mais pourquoi diantre ne prenez-vous pas le train pour vous rendre à Granville? s'interrogea le comte de Fargeac, la main fourrée dans sa large barbe poivre-et-sel. "N'est-ce pas plus rapide et surtout plus simple?".
-Le train? intervint Honorée, l'épouse d'Edmond. Mais vous n'y pensez-pas...? C'est d'un commun..., acheva-t-elle, mimant un geste de dégoût.

On ne mélange pas les torchons et les serviettes...

-Je nous croyais seuls, s'étonna Edmond en devisant l'étrange machine. Recevez-vous des invités de marque?
-Hé hé... belle mécanique, n'est-ce pas? Mais pour sûr, cher ami ! répondit le compte, un grand sourire de satisfaction sur les lèvres.

-Instruisez-nous...! Par pitié, Henri... Dites-nous qui est à votre table, trépignèrent de concert les Godron-Lussé.
-Si je vous dis que Labourdette a signé ce chef-d'oeuvre, cela vous met-il sur la voie?
-Labourdette... répéta Edmond. Effectivement, cela restreint drastiquement les possibilités... S'agit-il d'un membre de l'aristocratie? D'un chef d'état étranger?
-Vous gelez, les nargua Henri.

-Est-ce alors une vedette du cinématographe, ou un chansonnier? proposa Louise, la fille du couple.
-Mayol..? Dranem..? renchérit la grand-mère.
Le comte, amusé, posa amicalement sa main sur l'épaule de la demoiselle.
-Délicieuse, dit-il après avoir réprimé un petit rire. Non, ma jeune amie, ce n'est ni l'un, ni l'autre.

-Ce n'est tout de même pas...
-Fallières...? Oh non, aucun risque, assura le comte. En ce moment, il est bien trop occupé à gracier tous ses condamnés...

Ce coup-ci, le comte eut bien de la peine à brider ses zygomatiques.

-Ne me dites pas que ce joyau... est à vous?, risqua Honorée.


Non, le comte avait des goûts plus simples... et un tantinet surannés. Le fiacre qui était garé au coin du mur en attestait.
Constatant l'impuissance de la famille Godron-Lussé à mettre un nom sur ce mystérieux invité, le comte proposa de mettre fin à cette torture psychologique.
-Chers amis, pourquoi n'iriez-vous pas le découvrir par vous-mêmes?
Il les invita à pénétrer dans le château...
 

 

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